Blessés de guerre

Le monde connaît la guerre quasiment depuis que l’homme existe. La guerre a toujours été violente et est à l’origine de la mort de nombreux hommes et femmes. Heureusement, toute personne engagée dans une guerre ne meure pas, mais il existe de très nombreux blessés de guerre. Cette dimension du soldat blessé à la guerre a vraiment connu une mise en avant après la seconde guerre mondiale et la définition d’un statut légal.

La première guerre mondiale

            C’est la première guerre mondiale qui révèle l’ampleur qu’un conflit armé représente quant aux pertes humaines et aux blessures. Selon une étude menée à l’occasion du centenaire de la fin de la grande guerre, 20 millions de blessés ont été recensés à la fin du conflit, dont la plupart a dû souffrir le restant de sa vie de ces blessures sérieuses. Parmi les 8 millions de militaires mobilisés pour la grande guerre, on décompte 2,8 millions de blessés survivants. Ils sont nombreux à être sujet à des effets irréversible ; on compte plus de 300 000 mutilés, environ 200 000 invalides de guerre mais aussi des estropiés, des aveugles, des gazés, des traumatisés ou des infirmes.

 A la suite de cette guerre apparaît également la dénomination de « gueules cassées ». C’est une expression inventée par le colonel Yves Picot, qui était le premier président de l’Union des blessés de la face et de la tête, lui aussi blessé au visage par l’explosion d’un obus lors de son assaut donné sur les plaines de Corbery le 15 janvier 1917. Ils sont estimés à la suite du conflit être entre 10000 et 15000 gueules cassées.

Ces blessés graves ont permis de sensibiliser la population aux ravages de la guerre, au-delà des morts qu’elle laissait derrière elle. L’écrivain austro-hongrois Joseph Roth, très sensible à ces images frappantes, qualifiera tous ces blessés de « Vivants monuments aux morts ».

Les raisons de blessures

Dans le cadre de la grande guerre évoquée précédemment, l’artillerie est en cause d’environ 70 à 80% des blessures de guerre. Mais les causes sont très diverses, d’autant plus que l’armement a énormément évolué, devenant de plus en plus efficace et par essence, violent. Les blessés de guerre de manière générales sont désignés WIA pour Wounded in Action en anglais. Cette dénomination regroupe trois types de blessés :

  • Les « éclopés », ayant subi des blessures légères et qui sont redéployés dans leur unité à la suite d’une mise à l’écart inférieure à 72 heures. Ils sont reconnus en anglais comme les RTD, return to duty, qui signifie retour au devoir en français.
  • Les blessés survivants qui sont évacué du terrain d’opération
  • Les blessés les plus graves qui ne vont pas survivre des suites de leurs blessures, malgré une tentative d’être soignés une fois rapatriés dans une structure médicale établie. Ils sont classés comme DOW, signifiant Died of Wound en anglais.

Les agents lésionnels sont la dénomination donnée aux armes ou type de blessures de guerre qui provoquent des lésions afin de pouvoir les classifiées et en ressortir des catégories. Elles sont mises en avant car elles représentent la majeure partie des blessures recensées en période de conflit. On peut l’illustrer en se référant aux blessures des militaires américains engagés dans les trois conflits majeurs du XXème siècle : la seconde guerre mondiale, la guerre de Corée et enfin la guerre du Vietnam. Sur l’étalage de ces trois conflits, les traumatismes pénétrants, à savoir ces dites lésions, représentent en fonction du conflit entre 85 et 93% des blessures recensées. Le reste des lésions identifiées se répartissent entre les brûlures, les blessures de blast, traumatismes fermés et autres.

Le blast, composante peu connue du grand public est un effet du souffle dû aux explosions, associé à un phénomène thermique. Ce blast crée une onde de choc supersonique. Celle-ci va venir compresser le gaz qui peut être stocké dans le corps humain, puis le redilater, tout cela de manière très rapide et brève. Ce double changement violent de place pris par le gaz va avoir pour effet de détruire de l’intérieur du corps de la victime, provoquant des déchirements et autres cisaillements qui vont endommager plus ou moins sérieusement les tissus et organes, en fonction de la puissance de l’onde. Le choc est parfois tellement violent qu’il peut créer des lésions ostéopathiques, souvent diagnostiqués en dernier vu la concentration donnée autour du diagnostique organique plus urgent.

Au-delà de ces classifications, il faut comprendre quel type d’armement est le plus dévastateur. On peut répartir les armements selon deux grandes catégories : les explosifs et les agents autres. Si les explosifs sont catégorisés face aux autres types d’armement, c’est parce qu’ils sont la principale cause de blessures et séquelles. Quel que soit le conflit, elles sont majoritairement représentées. En effet, aussi bien lors de l’opération OIF (Operation Iraqi Freedom américaine entre 2003 et 2004) que lors de l’engagement français en Afghanistan pendant 13 années durant, les explosifs représentent dans les deux cas plus de 60 % des blessures. Un agent explosif revient toujours majoritairement présent dans l’impact qu’il a eu dans les deux conflits et plus globalement sur la plupart des théâtres d’opération actuels : les IED. Cet acronyme désigne les Improvised explosive Device, ou engins explosifs improvisés en français. Lors de la guerre en Iraq, les IED sont à l’origine de 30 % des blessures et sur le conflit afghan du côté français, ce chiffre grimpe à 47,5 % des blessures. Les blessures autres, à savoir pour la plupart les munitions d’armes à feu sont beaucoup moindre en nombre que celles des explosifs, grâce notamment à la précision nécessaire et à l’amélioration des équipements de protection, dont l’obligation permanente de porter un casque. Les blessures qui restent de cette origine sont souvent moins graves car touchant les membres et extrémités, moins souvent le tronc ou la tête, mieux protégés.

L’un des principaux problèmes rencontrés lors la prise en compte d’un blessé de guerre est la multiplicité fréquente des lésions. En effet, à cause des tirs en rafales, débris explosifs et fragments, la plupart des blessés est criblé. Cela rend statistiquement l’état de la victime bien plus aggravant que si une seule blessure en résultait. A titre illustratif, les militaires décédés lors de la guerre du Vietnam présentaient en moyenne 3,2 blessures relevées sur le corps, raisons du décès.

Des interdictions afin de limiter les bilans humains de la guerre

À la suite de la mise en place de la convention de Genève en 1864, les droits internationaux humains sont créés, aussi appelé droit des conflits armé. Il a pour objectif de limiter les bilans humains et la violence employée lors de certains conflits. Ils ont évolué proportionnellement aux progrès scientifiques fait dans l’armement et en réaction aux principaux conflits dévastateurs du XX -ème siècle, tel que lors de la convention de 1949, donnant à la suite des atrocités de la seconde guerre mondiale. Les armements qui sont globalement interdits par ces conventions sont tous les armements non-discriminant. Il est entendu par arme non-discriminante toute arme qui lors de son emploi ne pourra pas éviter un impact direct ou indirect sur la population civil et les infrastructures civiles. Les IDH statufient également pour interdire les armements dont la violence est considérée comme dépassant l’entendement, à savoir d’une violence trop importante. Il existe cinq catégories d’armes qui ont été condamnées par les Droits Internationaux Humains :

  • Les bombes à sous-munitions : elles sont des armes qui lors de leur explosion libère de nombreuses « sous munitions ou fragments », parfois sur des périmètres de plus d’une centaine de mètre, ne faisant donc aucune discrimination entre cible militaire ou civile. Au-delà du fait qu’elle blesse selon les ONG pour plus de 98% des civils, une bonne partie (jusqu’à 40%), n’explosent pas et se transforment en mines antipersonnel, danger sur le long terme tant il est difficile de les prévoir et de les retrouver. Le traité qui l’interdit est intitulé traité d’Oslo, voté ne 2008 à Dublin, entré en vigueur en 2010.
  • Les mines antipersonnel : ce sont des systèmes explosifs qui explosent lorsqu’il détecte la présence d’une personne, quelle qu’elle soit. Elle fonctionne souvent soit par pression ou rupture d’un lien détenteur. Très utilisées, quasiment indétectables, il est impossible de savoir combien d’entre elle sont encore en place sur des théâtre d’opérations actuels ou abandonnés, ce qui rend les déplacements incertains et dangereux. Leur interdiction et destruction date de 1997, mais encore 56 pays ont défini des zones de potentielles présences.
  • Les armes nucléaires : qualifiées à raison d’armes inhumaines et aveugles, les armes nucléaires sont interdites depuis 2017 par les nations unies. Au dela de l’impact impressionnant, les retombées radioactives constituent une catastrophe humaine.
  • Les armes chimiques : caractéristiques des deux grandes guerres européennes, elles ont pour seul objectif les dégâts physiques ou la mort. Elles sont interdites depuis la convention de 1997
  • Les robot-tueurs et armes autonomes : elles sont en cours d’études et ne sont pas encore interdites, mais leur essence même serait mise en cause par les représentants des nations unies et de la croix rouges demandent la mise en place et le vote d’une convention visant à les interdire.

Malgré cet encadrement et les interdictions, il existe certaines zones conflictuelles où elles restent utilisées, étant très difficile de vérifier ou non la continuité de leur production parfois secrète et couverte par certains états rebelles. C’est le cas en 2016 lorsque le Soudan a été identifié comme utilisant des armes chimiques.

Le conflit ukrainien actuel et ses blessés

            L’Ukraine est devenu le théâtre des opérations d’un conflit l’opposant à la Russie. C’est un conflit armé violent qui voit l’utilisation d’un armement sophistiqué et dévastateur si bien utilisé, il est donc logique que le bilan humain en pâtisse. Il est encore très difficile de déceler les chiffres exacts, étant donné le peu de communication de la part des parties prenantes, dans l’objectif de ne pas renseigner le camp adverse. Il faut donc se renseigner auprès d’organisme ou acteurs extérieurs qui tentent d’analyser le conflit et ses répercussions. Ainsi, selon le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, il estime les pertes combinées des deux camps à plus de 100 000 morts et blessés. Comme dans la plupart des guerres, des blessés finissent par passer par l’amputation, et le conflit Ukrainien n’échappe pas à la règle. Le monde a mené une interview en Aout 2023 auprès du centre de rééducation de Bez Ozmezhen en banlieue de Kiev. Depuis le début du conflit, c’est plus d’une cinquantaine de militaires déjà amputés qui sont venu dans le centre. Malgré le manque de chiffre, il est primordial que les organismes de prise en charge et de représentation des blessés de guerre s’engagent se prépare à accompagner ces blessés. C’est d’ailleurs le cas de la France qui depuis le 20 mai, a déjà rapatrié plusieurs blessés de guerre ukrainiens en France afin de leur apporter les soins chirurgicaux et la prise en charge de leurs rééducations nécessaires.

 

Les suites de la blessure

            Les séquelles apparentes ont beau être celles visibles, il est important de ne pas sous-estimer l’impact psychologique qui accompagne les blessures. La plupart d’entre elles, violentes, modifient de manière irréversible le corps et le quotidien de la victime. Il faut donc apporter un accompagnement et un suivi complet à la suite de ces blessures.

            Le blessé peut bénéficier lors d’un retour à la vie civile du statut d’Invalide. Cela ne concerne que les blessés dont la ou les blessures ont eu un impact drastique sur leur quotidien. Selon la loi, si le handicap est reconnu à la suite de la blessure, les pensionnés du statut d’invalide de guerre reçoivent un accès à certains droits particuliers tels qu’un accès prioritaire au soin et à la rééducation, des accès prioritaires aux transports civils et autres aides financières.

En France, il existe différents organismes qui représentent et suivent les blessés de guerre sur l’ensemble de leur parcours : la Fédération des amputés de guerre de France, l’Association des mutilés des yeux de guerre, l’Union des blessés de la face et de la tête fondé par Yves Picot présenté plus tôt, la Fédération nationale André Maginot et la Fondation des mutilés et invalides de guerre. Il existe en France métropolitaine 8 hôpitaux militaires ainsi que l’institut nationale des Invalides qui prennent en charge les blessés de guerre.

Le Dpa Med et les blessés de guerre

Le DPA Med est un appareil médical qui rééduque les pathologies du dos, troubles de la marche et de l’équilibre. Il est intégrable aux protocoles de rééducation des membres inférieurs. Grâce à une reproduction du mouvement de la marche au niveau du bassin, l’appareil va permettre une mobilisation ostéoarticulaire du complexe lombo-pelvis-fémoral. L’objectif est d’effectuer un travail de relâchement premièrement puis un travail de renforcement, ciblé des fixateurs des hanches, du bassin et du rachis, en retravaillant leur mobilité et leur proprioception. Les prothèses sont gardées lors des travaux actifs et passifs afin de travailler l’équilibre. Les blessés de guerre sont souvent concernés par le travail suivant du retour à la marche suite à un poly trauma ou une amputation, qui est un protocole applicable du DPA Med.

 

Crédit image ©Satisform

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